L’approche systémique est une théorie qui permet d’expliquer les comportements d’un système vivant.
Elle se distingue des autres approches par la place CENTRALE qu’elle donne aux relations humaines.
Se former à l’approche systémique c’est passer d’une logique linéaire à une logique circulaire pour répondre à la complexité du vivant et des organisations.
Pratiquer la systémique c’est sortir de nos réflexes pour agir différemment.
Cette approche est donc une perspective théorique, méthodologique et surtout pratique qui considère les phénomènes comme des systèmes interconnectés et interdépendants. Cette approche met l’accent sur l’analyse des relations et des interactions entre les différents éléments d’un système plutôt que sur l’analyse des éléments individuels. Elle permet de comprendre et résoudre les problèmes complexes en prenant en compte les différents niveaux d’un système et les interactions entre eux.
Origines et histoire de l’approche systémique
Ludwig von Bertalanffy, physiologiste (1901-1972), est reconnu comme étant le fondateur de la science des systèmes. Il énonce sa « Théorie générale des systèmes » au milieu du XXème siècle.
Principaux faits saillants de son approche : il recommande d’aborder la compréhension des systèmes en identifiant les éléments du système mais pas uniquement : il analyse également les relations de ces éléments entre eux ainsi que leurs interactions avec l’environnement.
Dans son œuvre, Ludwig von Bertalanffy établit des principes s’appliquant à tout système, quel que soit la nature des éléments dont il est constitué et des relations entre ces éléments :
La finalité : quelle est la fonction de l’élément par rapport à l’ensemble ? Un système ne peut être correctement décrit sans prendre en compte le fait que son comportement est orienté, ne serait-ce que vers sa propre survie. En cybernétique, les systèmes seront décrits comme fondamentalement « conservateurs de quelque chose ». Ils ont d’ailleurs été conçus pour cela.
L’homéostasie : quel est le facteur clé maintenu autour d’une valeur bénéfique pour le système ? quel processus de régulation le maintien ainsi ?
L’équi-finalité : un même état final peut être atteint à partir de différents états initiaux, à travers différentes voies et avec des moyens différents.
Ces propriétés sont considérées comme les éléments fondamentaux de l’approche systémique.
La notion de « système ouvert » est également introduite (vs. Systèmes fermés en Thermodynamique), mettant en avant les relations du système avec son environnement : Le système influence son environnement et réciproquement.
Les travaux en cybernétique renforcent cette idée : notion de rétroaction (boucles positives (explosives, divergentes), boucles négatives (stabilisatrices, convergentes), boucles ago-antagonistes).
L’existence de boucles de rétroaction introduit la notion de causalité circulaire (« phénomène de la poule et de l’œuf »), ce qui a pour conséquences de rendre le comportement de certains systèmes complexes, imprévisibles.
Toutes ces boucles de rétroaction coexistent au sein d’un système et leurs interactions se combinent pour maintenir l’équilibre du système et favoriser son adaptation à l’environnement dans lequel il se situe. Un mathématicien, Ross Ashby, fait un apport sur les processus de régulation des boucles de rétroaction avec la Loi de la Variété Requise : pour qu’un système A assure la régulation d’un système B, il faut et il suffit que la variété de A soit supérieure ou égale à celle de B. Sinon, le risque pour le système A n’est de réguler que la partie du système B qui lui ressemble…
Enfin, parmi les éléments fondamentaux de l’approche systémique, il est à noter que sans évolution du système, des comportements synchrones s’installent dans le système.
L’approche systémique appliquée aux organisations : ses avantages et quelques principes
L’organisation, à la fois dépendante et productrice de son environnement doit prendre en compte la complexité[1] inhérente à tout système vivant, car elle se nourrit de celui-ci et le nourrit à son tour.
Dans cette boucle rétroactive, « les causes produisent des effets qui rétroagissent sur les causes »[2] selon les principes inspirés de la cybernétique. S’ajoutent à cela d’autres grands défis pour l’entreprise. Ils sont liés aux différentes crises économiques, sociales, politiques, à l’accélération des cycles techniques, technologiques, la crise sanitaire mondiale que nous connaissons aujourd’hui….
Pour Dominique Genelot, « les vrais enjeux de l’organisation se situent maintenant dans le traitement de l’imprévu et de l’instabilité. Nous devons passer d’une logique dominante de la conformité à une logique dominante de l’invention. Nous devons pour cela concevoir des systèmes à la fois ouverts sur l’extérieur, autonomes et en permanente évolution. Créer les conditions de l’éco-auto-ré-organisation, c’est-à-dire la capacité d’un système à s’adapter tout en restant lui-même. »[3]
Comment accompagner le changement en prenant en compte la dimension du Vivant dans les organisations ?
La complexité des systèmes vivants se caractérise par l’imprévisibilité. En prenant en compte cette notion d’incertitude permanente des systèmes vivants, l’accompagnant adapte ses interventions au gré des informations qu’il recueille, des hasards qu’il rencontre et utilise. La définition de l’information de Gregory Bateson résume cette capacité à s’adapter : « l’information est une différence qui crée la différence ». Aussi, plutôt qu’un programme, fixé à l’avance – répondant aux milieux homogènes – l’accompagnant préfère adopter une stratégie. Jacques-Antoine Malarewicz précise : « le stratège avance, donc progresse toute possibilité d’attention éveillée, toute sensibilité exacerbée, toute intuition déployée […] Il fait feu de toute sensation et butine partout où il peut trouver de nouvelle chose. […] Cela lui permet d’anticiper et/ou de créer des configurations nouvelles, d’explorer des territoires nouveaux et de nouvelles alternatives »[4].
Ainsi, pour Edgar Morin, l’écologie de l’action veut dire que nous avons toujours de l’incertitude et que nous devons y naviguer en sachant que toute décision est un pari. Pour naviguer dans cette incertitude il nous faut nous poser sur des îlots de certitude.
Des petits pas :
L’action concrète, efficiente peut être un de ces îlots. Elle est écologique si elle s’intègre dans une mécanique des petits pas, et si elle nous permet d’y revenir par des rétroactions si nécessaire.[5]
Cette écologie de l’action peut s’incarner sous différentes formes, par exemples :
– Un design d’intervention sur mesure, variant les types d’intervention : coachings individuels et collectifs, formations, facilitations, animations de processus créatifs (Appreciative Inquiry, Forum ouvert, Word café…), etc…
– L’adaptation de ce design d’intervention au fur et à mesure des informations recueillies, des feed-back reçus.
– A l’intérieur même d’un processus d’intervention l’accompagnant a la capacité de s’adapter à « l’ici et maintenant », il sait improviser, utilise le hasard, fait confiance au processus.
– Pour mettre en œuvre des stratégies de changement efficientes et écologiques pour l’entreprise, l’accompagnant est attentif à proposer l’intervention la plus « économe » possible. Il est attentif à « soulever le plus gros caillou avec le plus petit levier ». Pour ce faire, et en s’inspirant de ce qui est observé au microscope, il sait que le changement peut venir de la marge, qu’il faut parfois savoir surprendre un système pour déjouer les phénomènes d’homéostasie. Plutôt qu’un lourd dispositif d’accompagnement, il peut être amené par exemple à préconiser un accompagnement « en haut » de l’organigramme ; car comme le souligne le proverbe Chinois : « Le poisson pourri souvent par la tête ».
Savoir utiliser le temps peut aussi être une stratégie payante. L’intuition de l’accompagnant aidant, il sait intervenir au bon moment, temporiser, accélérer ou reporter telle ou telle intervention sans se laisser influencer par un rythme contre-productif que l’organisation tente souvent de lui imposer. Pour reprendre une expression de Jacques-Antoine Malarewicz « L’urgence, dans les organisations n’existe pas. Quand elle est brandie, elle est homéostatique. »
Dans une approche systémique l’accompagnant répond notamment aux principes et lois du vivants. Nous déterminerons quatre de ces grands principes[6], issus des bases fondamentales de l’approche systémique exposées par Luwing Von Bertalanffy[7]. Ils sont applicables à l’entreprise, aux femmes et aux hommes qui la compose :
- Le principe d’homéostasie
- Le principe de totalité
- Le principe de rétroaction
- Le principe d’équifinalité
Sans exhaustivité, nous proposons d’en décliner quelques postulats pour l’accompagnant :
– La résistance au changement est normale et naturelle. C’est une information indiquant que le changement est enclenché. La résistance est toujours utile pour celle ou celui qui la manifeste. Elle est parfois nécessaire. Elle n’est jamais identitaire : « changement et non-changement vont de pair, un lien très puissant et très étroit unis les deux mouvements qui ne sont pas opposés mais complémentaires. »[8]
– Ce que fait A est à la fois la cause et la conséquence de ce que fait B. ce qui nous intéresse, ce n’est pas ce que les gens sont « censés être », c’est ce qu’ils font, le contexte dans lequel ils le font, comment ils le font, dans quel but ils le font, ainsi que les conséquences de leurs actions.
– L’intelligence collective et organisationnelle est capable de trouver en elle-même les réponses et les ressources pour faire face aux problèmes rencontrés. En cela « le Tout est plus que la somme des parties ». C’est de ce principe que nait la notion d’émergence. Au niveau global, des propriétés apparaissent et les émergences qui peuvent résulter d’un travail, d’une réflexion collective, sont souvent une richesse pour le système accompagné.
Rajoutons à cet axiome que le « Tout est autre chose que la somme des parties ». Comme le précise Jacques-Antoine Malarewicz « un groupe ne pense pas, ce sont les individus qui pensent. Un groupe ne décide pas […] tout groupe est parcouru par des lignes de force et des prises de pouvoir qui se déterminent en fonction de certaines spécificités. »[9]
– Les phénomènes de victimisation, de bouc-émissarisation font parties du fonctionnement d’un groupe. Les conflits sont des phénomènes inhérents au fonctionnement d’un groupe. Des fonctions de régulations le sont tout autant.
– Un système ne peut évoluer que s’il sait apprendre de ses erreurs. Le droit à l’erreur et son utilisation est, pour tout système vivant, une question de survie : « ce qui est dommageable n’est pas l’erreur, c’est la non-correction par les informations contradictoires apparues ultérieurement »[10]
[1] Définition de Complexus signifiant « ce qui est tissé ensemble », ce que l’on ne peut séparer : Mooc de l’Essec sur la Complexité
[2] Source internet Article du Cairn : https://www.cairn.info/revue-societes-2007-4-page-23.htm
[3] Genelot, Dominique. Manager dans (et avec) la complexité, Eyrolles, page 235
[4] Malarewicz Jacques-Antoine. Systémique et entreprise, Pearson, 2012, page 198
[5] Cf. Annexe 2 « Une approche stratégique », page 47
[6] Cf. Roue systémique, modèle TREH© document pédagogique de Mathilde Guillou – HEC COR 2021
[7] Biologiste d’origine Autrichienne, auteur de la Général System Theory
[8] Malarewicz, Jacques-Antoine, Réussir son coaching, Pearson 2011, page 44
[9] Malarewicz,Jacques-Antoine. Systémique et entreprise, Pearson, 2012, page 148
[10] Balta, François et Muller, Jean-Louis. La systémique avec les mots de tous les jours, ESF éditeur, page 16
Les principes fondamentaux de l’approche systémique
L’approche systémique s’applique dans les situations complexes et dans différents domaines : la thérapie familiale, la conduite du changement dans les organisations, la résolution de conflits…
Bibliographie conseillée :
Prérequis conseillé : Morin, Edgar. Introduction à la pensée complexe, Éditions Points, 2014
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Les incontournables de l’approche systémique appliquée aux organisations :
- Balta, François. La complexité à la portée de tous, Éditions Eres, 2017
- Balta, François et Muller Jean-Louis. La systémique avec les mots de tous les jours, ESF éditeur, 2004
- Genelot, Dominique. Manager dans et avec la complexité, Éditions Eyrolles, 2017
- Malarewicz, Jacques-Antoine. Systémique et entreprise, Éditions Pearson, 2012
- Malarewicz, Jacques-Antoine. Petits deuils en entreprise, Collection Village Mondial, 2011
- Yatchinosky, Arlette. L’approche systémique pour gérer l’incertitude et la complexité, ESF, 2005
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Pour aller plus loin dans la relation en entreprise avec l’approche systémique :
- Balta, François. Moi, toi, nous…Petits traités de influences réciproques, InterÉditions, 2012
- Malarewicz, Jacques-Antoine. Réussir son coaching, Pearson, 2007
- Malarewicz, Jacques-Antoine. Les personnalités difficiles au travail, Éditions Pearson, 2009
- Comment réussir à travailler avec presque tout le monde, Lucy Gill, Éditions Retz, 2016
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Pour aller plus loin dans la réflexion systémique :
- Durand, Daniel. La systémique, Que sais-je, 2017
- De Rosnay, Joël. Le Macroscope, Éditions Points, 1974
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Quelques classiques de Palo Alto :
- Nardone, Giorgio , Salvini, Alessandro. Le dialogue stratégique, Éditions Le Germe. 2012
- Watzlawick, Paul. Weakland, John, Fish Dick Fisch. Changements, paradoxes et psychothérapie, Éditions points, 2014
- Watzlawick, Paul. L’invention de la réalité́ – contributions au constructivisme. Éditions Points. 1996
- Watzlawick, Paul. Comment réussir à échouer, Éditions Points. 2014
- Wittezaele, Jean-Jacques. Garcia Teresa . À la recherche de l’École de Palo Alto, Éditions Points Seuil, 2014